Société | | 24/12/2010
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La LDH réagit à l'arrêté anti-mendicité

La Ligue des droits de l’homme a réagi à son tour à l’arrêté anti-mendicité dans un courrier adressé au maire de Nogent sur Marne le 20 décembre (voir ci-dessous). Elle remet en cause le lien de cause à effet entre l’acte de mendicité et le trouble à l’ordre public et rappelle que solliciter la charité des passants se rattache à la liberté

d’utilisation du domaine public. La LDH reproche également à l’arrêté de ne pas suffisamment circonstancier et préciser les problèmes induits par la mendicité qu’auraient pratiqué les personnes hébergées au Fort. Elle s’interroge en outre sur la durée importante de l’arrêté (du 15 septembre au 30 avril) et son périmètre qui englobe tout le centre ville. L’association réclame en conclusion l’abrogation de cet arrêté. De son côté, le maire l’a au contraire justifié la semaine dernière suite à une intervention auprès de l’un des pensionnaires du fort, surpris en état d’ébriété sur la voie publique et présentant un comportement agressif .

Texte du courrier adressé par la LDH au maire de Nogent sur Marne :

“La Ligue des droits de l’Homme vous saisit de l’arrêté anti-mendicité que vous avez pris le 9 septembre 2010 et qui est entré en vigueur le 15 septembre 2010 (arrêté n°10-595).

Par arrêté municipal précité, vous avez en effet décidé d’interdire la mendicité sur une partie importante du domaine communal, du lundi au samedi de 8 heures à 17 heures sur une période allant du 15 septembre 2010 au 30 avril 2010. C’est de cette décision que nous vous saisissons.

Vous motivez votre arrêté par le fait que votre commune serait susceptible de connaître un afflux de personnes sans domicile fixe en raison de l’existence du Fort de Nogent, situé sur la commune de Fontenay-sous-Bois et qui accueille un nombre important de personnes sans-domicile fixe. Cette affluence selon vos propres termes serait à même d’accentuer le phénomène de mendicité et les conduites addictives sur les voies publiques de Nogent-sur-Marne.

Il est tout d’abord patent que les motifs ainsi relevés ne sont pas suffisamment précis et circonstanciés pour justifier votre arrêté. Ainsi, tant la présence massive de personnes sans domicile fixe que la mendicité à laquelle se livrerait cette population relèvent d’une simple éventualité et ne sont fondées sur aucune réalité. En outre et en tout état de cause, votre arrêté aurait du expliciter les réels problèmes que posent la mendicité sur le territoire de votre commune. Aussi, il ne ressort à aucun moment à la lecture de l’arrêté contesté que les risques d’atteinte à l’ordre public liés à la pratique de la mendicité présentent un degré de gravité tel que son interdiction serait nécessaire pour le maintien dudit ordre public (voir notamment CAA Douai 13 novembre 2008 n°08DA00756 LDH c/ Commune de Boulogne).

Sur la légalité interne de votre arrêté, nous nous permettons tout d’abord de vous rappeler qu’il apporte de façon significative atteinte à deux libertés, la liberté d’aller et venir, à valeur
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constitutionnelle, et la liberté publique d’utiliser librement le domaine public (Voir en ce sens CE, 18 nov. 1949, Carlier). A ce titre, il convient encore de rappeler que « le droit des usagers de la voie publique souhaitant l’utiliser pour solliciter la charité des passants se rattache à la liberté d’utilisation du domaine public » (conclusion JY Madec, TA Pau, 22 novembre 1995, RFDA, mars-avril 1996, page 371) et n’est pas en soi constitutif d’un quelconque trouble à l’ordre public.

Sans être exhaustif, de telles restrictions à l’exercice des libertés ne sont légales que si elles sont nécessaires et proportionnées au but recherché. A ce titre, il n’est mentionné dans votre arrêté aucune circonstance particulière ni aucun trouble grave de nature à justifier votre arrêté qui s’étend de surcroît sur une partie très importante de votre commune incluant le centre ville. La juridiction administrative exerce en la matière un contrôle particulièrement étendu et annule de tels arrêtés « dès lors que les troubles que pourraient occasionner les activités ou les attitudes des personnes errantes, ne sont ni graves ni certains et qu’il n’est pas indiqué les circonstances précises susceptibles de caractériser de tels comportements » (CAA Bordeaux, 26 avril 1999, Commune de Tarbes, req n°97BX01773).

La motivation principale de votre arrêté repose en fait sur votre volonté affichée dans votre deuxième considérant de dissuader les personnes sans domicile fixe de séjourner dans votre commune. Nous nous permettons, pour conclure à ce stade, de vous rappeler le commentaire d’un spécialiste de ces questions selon lequel les juridictions administratives sont attentives au fait que le « SDF » risque d’être exclu « de certains lieux publics, comme il l’est déjà de la sphère sociale, leur condition conduit alors à se demander s’ils ne seraient pas finalement chassés de leurs droits » (I. Michallet « Le contentieux administratif des arrêtés municipaux d’interdiction de la mendicité » AJDA, 20 avril 2001, page 320).

L’ensemble de ces éléments nous amène à vous demander de bien vouloir abroger votre arrêté en date du 9 septembre 2010.”

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